Le Premier ministre sénégalais a annoncé lors d’un meeting de campagne pour les législatives du 17 novembre que le livre d’une historienne française sur la Casamance ne sera pas autorisé au Sénégal, dénonçant « un projet de déstabilisation ».
L’annonce de la publication de L’Idée de la Casamance autonome – Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal, de Séverine Awenengo Dalberto, chercheuse française au Centre national de la recherche scientifique, a provoqué de vives protestations dans le pays, où l’évocation de ce conflit reste sensible. L’État sénégalais rejette l’autonomie de cette région du Sud.
Lors d’un meeting dans la nuit du 1er au 2 novembre à Ziguinchor, capitale de la Casamance, Ousmane Sonko, tête de liste du Pastef aux élections législatives du 17 novembre, a pointé du doigt le livre, son autrice et la France. Le Premier ministre a annoncé qu’il « ne sera pas commercialisé » au Sénégal.
Les éditions Karthala ont regretté « une instrumentalisation politique d’un ouvrage scientifique par des personnes qui n’ont, manifestement, pas pris connaissance de son contenu ». L’autrice a affirmé que son travail était « strictement historique » et « ne vise aucunement à rouvrir les fractures comme certains pourraient le craindre ».
« Si cette Française veut écrire, elle n’a qu’à aller écrire sur la Corse qui demande son indépendance à la France. Elle n’a qu’à écrire sur la Nouvelle-Calédonie qui réclame son indépendance, mais elle n’a pas à écrire sur le Sénégal », s’est-il insurgé. « Ce livre là ne sera pas autorisé au Sénégal, ne sera pas commercialisé au Sénégal », a-t-il poursuivi, mettant en garde contre « un projet de déstabilisation » sur un sujet « qui concerne les Sénégalais ».
« Si la France veut nous donner des archives, elle n’a qu’à nous donner les archives de ses exécutions sommaires au Sénégal pendant la colonisation, des guerres qu’elle a menées ici, des tortures qu’elle a menées, des travaux forcés, c’est ça qu’on attend de la France, qu’elle nous donne les archives de Thiaroye 44, mais pas des archives sur une prétendue autonomie de la Casamance », a martelé le Premier ministre.
L’Alliance pour la République, parti au pouvoir jusqu’à la présidentielle de mars dernier, avait aussi protesté dans un communiqué contre la publication d’un ouvrage qui « remet en question les acquis » sur la paix en Casamance et est « dangereux » pour l’unité nationale.
La Casamance, région du sud du Sénégal, est le théâtre d’un conflit armé depuis les années 1980, opposant les forces gouvernementales aux rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), qui réclament l’indépendance de la région. Ce conflit a causé des milliers de morts et de déplacés, et reste une question sensible dans le pays.
Les réactions internationales à cette décision ont été mitigées. Certains observateurs estiment que cette interdiction pourrait être perçue comme une atteinte à la liberté d’expression et à la recherche académique, tandis que d’autres comprennent les préoccupations du gouvernement sénégalais concernant la stabilité et l’unité nationale.
L’interdiction de ce livre par Ousmane Sonko soulève des questions sur la liberté d’expression et la recherche académique, mais elle reflète également les tensions persistantes autour de la question de la Casamance. Le gouvernement sénégalais semble déterminé à protéger l’unité nationale à tout prix, même si cela signifie restreindre l’accès à certaines informations.